Donc j'ai vu le bousin. Je m'y suis rendu avec les meilleures intentions du monde - du genre "Si c'est bien admets-le sans tergiverser". J'étais littéralement le seul barbu dans une salle peuplée uniquement de mioches de quatre à huit ans et de leurs mères. Autant dire que je me suis senti assez piteux et que la tentative de sérénité menée jusqu'alors s'est aussitôt dissipée. Mais bon voilà.
Bref, ce n'est pas un bon film. Il n'est pas mauvais mais il n'est pas bon non plus.
Je ne parle même pas de la fidélité à l'oeuvre originale ou quoique ce soit, je dis qu'en tant que tel, pris indépendamment, ce n'est pas un bon film. Ou disons que c'est un film correct, tout au plus, si tant est que l'on soit d'humeur affable. L'audace est inexistante, le rythme assez poussif, les graphismes souvent vides ou odieux - la tête d'Astro fait deux fois celle des autres enfants ce qui est régulièrement ridicule à défaut d'être intentionnel - et les combats sont tous parsemés de gags niveau Dreamworks qui les désamorcent un par un. Rien ne semble jamais se jouer, tout est pris à la légère en permanence. Quant au méchant super-méchant, une caricature de George W. Bush à laquelle on aurait greffé la tête de Michel Rocard version Bêbête Show, il est traité avec un manichéisme à ce point exagéré que l'on soupire fréquemment devant ce cliché ambulant et la morale assénée au marteau-piqueur par le scenario - cette morale consistant bien évidemment à rappeler que la guerre c'est mal. Ce qui devait être un hommage à une oeuvre pré-existante est ainsi réapproprié par IMAGI qui l'utilise pour critiquer l'administration américaine, une initiative que chacun pourra juger de lui-même. Certes, David Bowers essaie tant bien que mal d'inclure tous les thèmes de prédilection du manga - l'écologie à travers une division MetroCity/Surface piochée dans GUNNM et qui n'a rien à faire là, ou la recherche d'une appartenance - mais l'on ne parvient pas tout à fait à saisir comment le film peut paraître aussi inerte et mou du ventre en ayant tant de choses à évoquer. Techniquement deux fois moins abouti que le TMNT issu du même studio, on y guette avec ferveur le moindre moment d'intensité mais le film nous laisse vite comprendre que ce dernier ne viendra jamais. Ceux qui ont comparé le film à Kung-Fu Panda pour déconner ne sont pas si éloignés de la vérité, il s'adresse sans conteste au même public. La prose anti-Irak War en plus.
S'agissant de ce qui m'intéressait le plus, la loyauté vis-à-vis du manga d'Osamu Tezuka... il est clair que le compte n'y est pas. Certes, je ne m'attendais pas à voir des robots jetés dans des charniers dans ce qui est fondamentalement un film pour enfants, mais le réalisateur passe complètement à côté de son sujet en limitant la discrimination appliquée aux robots à telle ou telle zone. De même, l'élasticité des lois de la robotique y est décuplée, au prix de leur irrémédiable fatalité - l'asservissement en est réduit à alimenter les fougues de quelques robots arriérés fans de Lénine (!) qui en rajoutent encore dans l'overdose d'humour US. Le produit est hyper-américanisé, depuis Astro en jeans tout au long du film - en dehors de deux scènes - pour motif non-avoué de puribonderie excessive, en passant par ses expressions du genre "C'est trop cool !", "T'as encore rien vu !", "Astro Boy pour vous servir !", ses connaissances acquises et ultra-poussées en physique qui en font presque un geek, et autres dialogues de teenager californien en lieu et place du Neo-Pinocchio innocent et naïf du manga et des séries télévisées. Et pour cause, par la sacro-sainte raison du marketing, Astro a treize ans dans cette mouture, aussi n'est-il pas étonnant de retrouver un personnage que l'on imagine plus volontiers être un adolescent lambda, juste un peu plus gentil que la moyenne, déguisé en Astro. Mettons de côté ses potes très laids et le fait que la belle relation Astro/Ochanomizu ait été jetée au placard pour favoriser le Dr. Tenma, parce que l'on peut supposer que c'était le seul moyen de créer une histoire en 1h30 - quel dommage toutefois que le Dr. Tenma n'ait RIEN à voir avec toutes les versions connues du personnage de 1951 à 2009 et soit simplement devenu un type à peu près normal. Reste que la cruauté de l'histoire originale de Tobio, renommé Toby, et celle du rejet d'Astro par son père, sont elles aussi modifiées pour ne pas dire très édulcorées.
On tente néanmoins d'acheter la clémence des fans en casant quelques rares cameos du Maître lui-même et de son Hyoutan-Tsugi - certainement à la demande de Tezuka Productions car David Bowers n'a visiblement pas le niveau requis en tezukalogie pour le faire de lui-même, et en confiant de petits rôles vains mais à peu près conformes à Higeoyaji (Moustache) et Ham Egg, bêtement rebaptisé Tête D'Oeuf en VF mais surtout anéanti par un chara-design honteux, tout simplement étranger au personnage. Ca ne va pas plus loin. Ne cherchez pas, il n'y a rien d'autre, sinon un clin d'oeil à un chapitre fondamental du manga dans les toutes dernières secondes du film.
Au final, un film que les non-fans de Tezuka jugeront sûrement correct, mais pas au point de le garder en mémoire plus de trois jours. Les autres, les fans, iront de déceptions en déconvenues.
Il est toutefois évident que cet essai sera plus réussi au final que le futur massacre programmé par Hollywood de célèbres manga et anime tels que Ghost In The Shell, Neon Genesis Evangelion, GUNNM, Cowboy Bebop ou Akira. Là on souffrira pour de bon, tandis qu'ici... on a simplement un film bof comme il en pousse sur les arbres depuis que la 3D a phagocyté l'animation.